CALVAT
...Pourquoi dessiner ou peindre, quand la réalité nous fournit ses matériaux prêts à l’emploi ? Et pourquoi, quand le temps nous procure ainsi de tangibles traces de son passage ? La leçon est valable pour l’entièreté de la démarche de François Calvat. Pourquoi user de la mine de plomb, quand il y a le plomb même ou le zinc, qui offrent à l’artiste leurs aplats de gris velouté, patinés par l’âge ? Pourquoi dessiner au fusain, alors que les pieux de bois brûlé parviennent avec tant de fermeté à dessiner leurs volumes dans l’espace ? Et pourquoi peindre avec l’ocre des pigments, quand il suffit de se baisser pour glaner des tôles rouillées et jouir de leur somptueux brun roux ?
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À l’extérieur, tout autour de l’atelier, les matériaux s’entassent et s’empilent. Ils attendent leur heure : le moment de la rencontre, de l’appariement et de l’assemblage. Qu’il s’approprie ardoise, ciment, chambre à air, sac de jute, bois calcinés, métaux usés ou papiers déchirés, tout ce que pratique François Calvat relève du collage.
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La mémoire constitue l’ossature du travail de Calvat. Non seulement la mémoire des gestes ancestraux que l’on se transmet de génération en génération, mais la mémoire des matériaux — l’inscription du temps dans leur corps même. La noblesse de la tôle ou de la planche tient à sa dégradation, la patine où se lisent le travail des hommes et le passage des ans. Ce passage est un polissage. L’usure donne du lustre. "La mémoire, la matière, la lumière", aime à résumer François.
Jean-Louis Roux
"François CALVAT Dans l'atelier", 2015