Cécile Beaupère : du 30 mai au 23 juin 2018
Cécile Beaupère Le tremblé de l'aube
Les contours de l’aube
Voici l’aube, dont volets et voilages filtrent la faible lueur laiteuse. Dans la chambre noire où la nuit jusqu’alors faisait bloc c’est à peine si se creusent des distances et affleurent des reliefs. Même le cadre de la fenêtre paraît poreux, par où bave un peu de jour, et toute forme n’esquisse que de vagues contours tremblés. Des meubles qui reprennent pied dans l’espace clos, on ne devine encore que leurs masses confuses. A travers l’obscurité qui se refuse encore à refluer, la vue ne peut se fixer ni se fier à rien d’assez solide. Les choses cependant commencent doucement à se séparer, à imposer leur volume et leur matérialité. C’est ce moment du point du jour, prélude à l’éclosion de la lumière et au retour à la vision, qu’a décidé de peindre Cécile Beaupère.
Mais comment restituer cet entre-deux, comment peindre le visible lorsqu’il se dérobe à la vue ? Cécile Beaupère relève ici le défi qu’elle s’est imposé : en captant la venue de l’aube célébrer le pouvoir de la peinture. C’est donc à une manière de minimalisme qu’elle a été amenée pour traduire, en une opération alchimique, la lente montée de la lumière dans l’opacité du noir. Comme les formes, que leur silhouette indécise ne parvient pas tout à fait à détacher d’un fond de pénombre, les couleurs de sa palette restent quasi indéfinissables : des gris cendreux, des ocres pâles, des bruns aux tons de rouille, des bleus sourds composent une étroite gamme de valeurs, davantage qu’un éventail de teintes. Et le recours à des supports de papiers buvards aura permis de mieux transcrire le suintement de clarté imbibant les ténèbres à l’instant de bascule où la nuit se fait jour.
Dans la continuité de cet exercice de dévoilement, Cécile Beaupère s’est attachée aussi à peindre des corps — l’un des sujets majeurs de son travail — que baigne dans leur nudité la lueur de l’aube. Le début de clarté distillé sur les chairs par la matière picturale n’a pas encore dissous la gangue de pénombre qui les corsète et les contraint. Dans l’espace où pourtant l’air même semble se mettre à vibrer, les postures, les gestes restent embarrassés encore de tout le poids de la nuit. Mais, sous nos yeux, ces masses musculaires ankylosées par le sommeil et comme statufiées commencent à reprendre vie.