Janine Lautier Desmazières : du 9 octobre 2019
Janine Lautier Desmazière
Ce qui nous relie
Des formes se sont attachées à nous, obscurément, comme les détours du jardin où nous avons joué dans notre enfance : nous les connaissons moins par les yeux que par notre corps, et c’est le soir qu’elles vivent prodigieusement en nous. Elles y vivent encore, silencieusement, et remontent à la surface, oubliées et transfigurées, avec cette lourde présence des choses de la nuit.
Et qu’est-ce que la forme « abstraite », même réduite au schéma géométrique, sinon la lente élaboration dans le subconscient d’une illumination oubliée ?
Jean Bazaine Le temps de la peinture
Ce qui nous relie
(Accueillir / Extérieurs)
Gravures, peintures, livrets et textes : Janine Lautier Desmazières
Montage son et effets sonores : Vincent Desmazières
Ce qui me pousse depuis 5 ans à travailler sur le végétal est lié à la réminiscence : le jardin familial où les familles françaises et espagnoles se retrouvaient à Uzès pour pique-niquer entre binage des patates, chasse aux doryphores, cueillettes et arrosages. Rien de zen et pas mal de sueur.
Ma mère avait dû quitter l’Andalousie avec ses parents, frères et sœurs, à cause de la sècheresse qui avait chassé les paysans de la région au début du vingtième siècle.
Par plaisir ensuite mon père a continué de jardiner sur un grand terrain au pied de la fontaine d’Eure où l’eau coulait à flots entre les joncs. Ma mère triait les légumes et s’occupait des fleurs. Les jardins étaient toujours ouverts. On râlait de temps à autre quand les fraises avaient disparu. C’est là qu’on se retrouvait, les amis, les cousins qui débarquaient en bande d’Espagne.
Et voilà comment l’extérieur nous a accueilli(e)s.
Revenir sur ces traces (empreintes sur un mur, branches, racines, feuilles au vent …), c’est à nouveau habiter pour moi un espace de tendresse, de coups de gueule, de mains calleuses, de balançoire, de figues chapardées et de solidarité. J’ai tenté d’abord de graver des végétaux d’abondance, puis des images d’enfance, aux seuils d’espaces ouverts.
Et je vais progressivement vers l’abstraction, le dépouillement (l’âge ?). Je cherche quelque chose qui tremble en deçà, le fil d’une émotion, l’ombre d’une absence et peut-être l’esquisse d’une présence – ce qui nous relie.